Le 19 décembre 2013
http://www.mauvaiseherbe.ca/2013/12/19/noel-total-magique/
Dimanche, 15 décembre. C’est jour de tempête sur Québec. Je
suis attablée à la Brûlerie Limoilou, mon portable faisant écran aux rares
passants qui osent prendre d’assaut les trottoirs enneigés. Le blanc du jour
scintille au-delà de la grande baie vitrée. Un paysage hivernal empreint de
chuchotements, où les sons paraissent confinés dans un écrin de velours.
J’ai appris à aimer l’hiver. Je ne peux y échapper; aussi
bien m’y faire. Je suis devenue experte dans l’art de superposer les couches,
j’ai toujours quelques paires de chauffe orteils dans mon sac et j’ai développé
un TOC pour les tuques, les foulards et les mitaines, surtout ceux faits au
crochet made in Québec. Telle une
ourse polaire, j’affronte les éléments.
Et quand la ville se pare de son manteau blanc et que Noël
approche, il y a ce rêve du vieux shack qui refait surface. Je m’imagine dans
le bois, avec pour seule compagnie mon chat et des tonnes de livres. Sur le
sofa élimé, je m’emmaillote dans une courtepointe géante dénichée dans un
sous-sol d’église. Le foyer crépite et achève de me réchauffer. Pendant que la
frénésie des fêtes contamine ceux pour qui les verbes «faire» et «acheter» sont
synonymes d’accomplissement et de réussite, je me délecte du silence qui siffle
entre les branches. Un thé, des sablés et je me plonge dans le dernier ouvrage
de Matthieu Ricard, une brique colossale intitulée Plaidoyer pour l’altruisme. N’est-ce pas le moment idéal pour
intégrer quelques notions d’humanité?
Pourtant, j’ai beau la trouver ridicule cette période de
surconsommation, je me laisse un tout petit peu prendre au jeu chaque année.
Mais passer l’avent dans un centre d’achats surpeuplé de gens pressés de
combler tous leurs désirs – et ceux de leur progéniture –, très peu pour moi. C’est
tellement plus sain et agréable d’acheter local chez les commerçants du
quartier. Quand je décide d’offrir un cadeau, je m’efforce de le faire de façon
responsable. Je prends le temps de m’informer sur sa provenance et, si
possible, je tente de connaître les conditions dans lesquelles il a été
fabriqué. Parce qu’il est hors de question que je décime la forêt amazonienne,
que je martyrise de pauvres animaux, que j’exploite les enfants de cinq ans des
pays en voie de développement, bref, que je détruise l’essence même de la vie.
Donner juste pour donner, ça consumérise le sens du partage.
Ça crée un malaise, une inauthenticité palpable. Ce vide que l’on tente de
colmater ne sera jamais comblé autrement que par la générosité, la compassion,
l’amour, l’empathie. Et tout ça, c’est gratuit.
Dans mon rêve de chalet et de poêle à bois, il y a la
famille et les amis qui débarquent à Noël. Il y a aussi monsieur Chose, celui
qui habite la cabane étriquée au bout du chemin de terre depuis que sa femme
est partie vers des cieux plus glorieux. Chez moi, les seules offrandes
permises ont été fabriquées par mes convives. Votre bouffe, votre boisson,
votre sourire, vos raquettes, vos skis. On fait des jeux, on pouffe de rire, on
se tricote des souvenirs. Au petit matin, pendant que le beau-frère cuve son
vin, j’enfile mes bas de laine et je sors dehors avec filleul. Les mésanges
viennent manger dans nos mains et on fait des anges dans la neige au pied des
sapins.